Rencontres organisées par Françoise Py à la Halle Saint-Pierre
Dans le cadre de l’APRES (Association pour la Recherche et l’Étude du surréalisme).
Entrée libre – Réservation conseillée : 01 42 58 72 89
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Samedi 25 mars 2023, 15h – entrée libre
Réservation conseillée : 01 42 58 72 89
Conférence
Michel Maffesoli : Dire oui à la vie
A l’occasion de la sortie de son livre Logique de l’assentiment., éditions Du Cerf, 2023
Logique de l’assentiment, paru en début d’année aux éditions du Cerf, est une sorte d’aboutissement du chemin de pensée que Michel Maffesoli parcourt depuis son premier ouvrage paru en 1976, Logique de la domination. Il y décrivait, dans une acception plutôt marxienne que marxiste, la stratégie de domination du pouvoir. Comment durant la modernité s’était imposée une logique d’émancipation individuelle, au détriment des valeurs de partage, de solidarité, de communauté. Comment le matérialisme, le productivisme avaient peu à peu éloigné les communautés humaines du sentiment religieux, c’est-à-dire de la relation à autrui, aux autres êtres et à l’Être.
Pour Maffesoli la postmodernité contemporaine voit le retour d’un religieux vu non comme une transcendance surplombante, mais comme un relationnisme, une mise en relation des hommes entre eux et avec la nature. C’est cela l’Être au monde, l’Être ensemble.
La logique de l’assentiment décrit l’arrière fond des soubresauts actuels, on pourrait dire les inscrits dans la longue durée des époques et changements d’époque. L’assentiment n’est pas une notion politique ou psychologique, ce n’est pas la résignation à la condition dominée, c’est au contraire l’expression de la toute puissance du Nous, qu’il appelle tantôt « sagesse populaire », tantôt « tradition », tantôt « idéal communautaire ». Face aux jeux et mises en scène d’un pouvoir de plus en plus acculé aux jeux de miroirs et jeux de dupes, la sagesse populaire ne dénie ni la Mort ni le mal, mais trace, tant bien que mal son vouloir vivre.
Mouvement des gilets jaunes, révoltes contre la stratégie de la peur et du confinement, grèves en cascade, soulèvements divers… On aurait tort d’assimiler ces « crises » récentes à de simples revendications sociales et économiques. En réalité, toute la puissance de l’esprit rebelle populaire, c’est de dire oui, oui tout de même à la vie, oui à l’ordre des choses existant, oui au monde tel qu’il est.
Cette logique de l’assentiment n’est ni de la domination, ni de la résignation. C’est au contraire une sagesse de la vie présente, de la vie de tous les jours, avec ses malheurs (le sens du tragique, l’acceptation de la finitude) et ses bonheurs (la relation avec les autres, la solidarité, la vie quotidienne enrichie de sa part de rêve et d’imaginaire).
Dans ce nouvel ouvrage majeur, Michel Maffesoli déchiffre les valeurs émergentes dans la transmutation épochale que nous vivons, et à nous faire saisir les ressorts de l’être ensemble contemporain.
Une analyse cruciale de ce nouveau « vitalisme » qui s’ajuste tant bien que mal au monde tel qu’il est, sans prétendre le modeler.
Professeur émérite à la Sorbonne, membre de l’Institut universitaire de France, Michel Maffesoli est l’auteur d’une œuvre fondamentale. Il a récemment publié, aux Éditions du Cerf, L’Ère des soulèvements et Le Temps des peurs.
Samedi 8 avril 2023, 15h
Réservation conseillée : 01 42 58 72 89
Conférence
Georges Sebbag, avec la participation de Klaus H. Kiefer :
Georges Bataille, Michel Leiris et Carl Einstein.
Le moment Documents, Avril 1929– Avril 1931.
Fondée à Paris en avril 1929, la revue Documents représente pour Georges Bataille, Michel Leiris et Carl Einstein un moment crucial dans leur vie d’écrivain. Les quinze livraisons de ce magazine illustré, qui paraîtront d’avril 1929 à avril 1931, afficheront comme domaines : « Doctrines » « Archéologie », « Beaux-Arts », « Ethnographie » et « Variétés ». La revue Documents se veut le recueil actualisé des documents les plus caractéristiques du passé comme du présent. Elle se désigne elle-même comme l’Encyclopédie du XXe siècle. Ce formidable projet tente de se démarquer des revues adverses, concurrentes ou amies, comme La Révolution surréaliste d’André Breton, Cahiers d’art de Christian Zervos, Variétés de P.-G. Van Hecke ou Bifur de Georges Ribemont-Dessaignes. Les trois principaux animateurs dela revue Documents financée par Georges Wildenstein, directeur de La Gazette des Beaux-Arts, sont Georges Bataille qui vient de publier Histoire de l’œil sous le manteau, le poète Michel Leiris qui s’est éloigné du groupe surréaliste, et leur aîné l’Allemand Carl Einstein qui a publié en 1913 Bébuquin ou les dilettantes du miracle, un récit annonçant Dada, et en 1915 un ouvrage pionnier sur l’art africain.
La revue Documents se veut un fait documentaire total, se rêve même une revue de variétés de music-hall. Loin de juxtaposer des documents provenant de disciplines cloisonnées, loin de s’en tenir à l’habituelle subordination de l’image au texte, la revue du trio Bataille-Leiris-Einstein accorde à la photo, au dessin ou à l’image, le privilège d’être la matière la plus originelle ou le résidu le plus original des manifestations humaines. La revue la plus déshabillée du monde aimerait nous parler et nous aguicher dans l’enchaînement et le fou-rire de ses matériaux et de ses travaux documentaires, à l’instar des flappers des années vingt, ces jeunes femmes américaines en jupe courte, short ou maillot de bain, popularisées par le cinéma et auxquelles la revue bruxelloise Variétés, grande inspiratrice de Documents, consacre un dossier photographique en février 1929.
L’histoire de Documents se conjugue en cinq temps. Premier temps (1929-1931), l’apparition de Documents sur la scène des revues est plutôt discrète et presque secrète. Deuxième temps (1932-1962), comme peu de gens ont lu et conservé des exemplaires de la revue, Documents tombe vite dans l’oubli et disparaît de la mémoire collective. Troisième temps (1963-1990), deux brèves éclaircies surviennent qui conjurent à peine l’occultation de Documents ; après la mort de Bataille, on apprend l’existence de la revue à travers l’article de Michel Leiris, « De Bataille l’Impossible à l’impossible Documents » (Critique n° 195-196, août-septembre 1963, Hommage à Georges Bataille) ; en 1968, les contributions de Georges Bataille à Documents, mais elles seules, sont recueillies en volume par Bernard Noël au Mercure de France. Quatrième temps (1991-2020), on assiste à une résurrection de la revue. En 1991, Jean-Michel Place édite en fac-similé les quinze livraisons réparties en deux volumes. Il s’ensuivra une véritable avalanche d’études universitaires, cantonnées souvent dans les domaines esthétique et anthropologique. Significatif à cet égard est l’ouvrage de Georges Didi- Huberman, La Ressemblance informe ou le gai savoir visuel selon Georges Bataille (1995, puis 2019), qui décortique Documents à travers les seuls articles de Bataille sans jamais évoquer les emprunts « visuels » de Documents à la revue amie Variétés et sans d’ailleurs reconnaître les apports de Leiris et d’Einstein. L’édition de 1991 étant épuisée, les Nouvelles éditions Place procèdent en 2020 à une nouvelle publication de Documents en deux volumes. Cinquième temps (après 2021) notre livre Bataille Leiris Einstein Le moment Documents avril 1929 – avril 1931 entend montrer d’une part que la revue Documents est l’œuvre d’un trio et d’autre part qu’on ne peut en apprécier la teneur et la valeur, la fraîcheur et l’originalité, qu’à condition de la situer dans le concert ou le contexte des revues de l’époque.
Georges Sebbag
Références
« La revue le plus déshabillée du monde », Introduction, Bataille Leiris Einstein / Le moment Documents Avril 1929 – Avril 1931, Jean-Michel Place éditeur, 2022.
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