Dite Existence, une amie de Jules et Jim
Le samedi 31 mai 2025 à 15h

Présentation par Martine Willot, autrice du livre édité par l’association La vie d’artiste awd. Lecture d’extraits des Nouvelles paysannes d’Existence, éditions Pleins chant, par Frida Morrone de la compagnie Astolfo sulla luna et des journaux de Pierre Roché et de Franz Hessel.
Avec la participation de Bruno Montpied, écrivain et peintre, spécialiste de peinture naïve et d’art brut et de Stéphane Polplimont, responsable librairie de la Halle Saint Pierre.
Première biographie d’Existence (1892-1952), peintre et conteuse,
Ce livre édité par l’association La vie d’artiste awd est une chronique de la vie imprévue
et mouvementée d’une petite bergère Limousine native de Saint-Léonard de Noblat.
Venue travailler à Paris, elle se retrouve à la rue. Un soir de février 1911, par une nuit
de demi-lune, sur le boulevard Montmartre, elle fait une rencontre providentielle, celle
d’Henri-Pierre Roché (auteur de Jules et Jim) et de son ami, l’écrivain et poète, Franz
Hessel qu’elle étonne et ravie par ses qualités rares de conteuse et sa personnalité
attachante.
Un visage intelligent, paysan, cabochard, cet air de gosse honnête…
Ils la surnomment Existence et ce nouveau nom, si beau, si étrange, l’intéressée le
perçoit comme une promesse de bonheur et l’adopte aussitôt. Les deux écrivains vont se déployer pour lui inventer une nouvelle vie, un nouveau métier, modèle à Montparnasse.
Elle posera à l’Académie Colarossi et pour Marie Laurencin, qui l’aidera elle-aussi.
Existence, emplie de reconnaissance pour Pierre et Franz, ne les écoutera pourtant que d’une oreille, poursuivant un temps sa vie aventureuse et folle avant de s’assagir.
Je veux écrire mes mémoires, comme vous, dit-elle à Pierre, cinq ans plus tard.
Écrire, oui, mais pas seulement…
La particularité d’Existence, sa différence, c’est de s’être partagée entre écriture et
peinture avec le même bonheur. Son œuvre est dédiée à son enfance limousine, à son pays natal, un univers préservé de la modernité et qui avait déjà à moitié disparu lorsqu’elle entreprend de lui redonner vie et couleurs par sa plume et son pinceau.
Ses nouvelles sont parues aux Œuvres libres en 1931 et 1939 et ses tableaux ont été exposés en 1949 à la galerie Cambacérès.
Elle disparaît à Paris à l’âge de soixante ans en 1952. Son mari le peintre Maurice
Taquoy se suicidera le lendemain matin.
« Existence écrivait mais peignait, et dessinait aussi. Il semble qu’elle ait pratiqué cette seconde discipline dans un second temps par rapport à l’écriture. Le but de l’opération étant en ce qui la concerne de dépeindre le milieu rural du Limousin qu’elle avait bien connu dans son enfance, comme elle l’a fait dans les deux seules nouvelles que l’on connaît d’elle, mais dans une langue visuelle, qui dit autre chose, et qui prolonge. La plupart des peintures recensées par Martine et Bertrand Willot évoquent cette enfance.
Sa peinture que l’on peut qualifier de « naïve », ce qui selon moi n’entraîne aucune condescendance ou une quelconque manière de rabaisser cet art, est à connaître. On voit quelques-unes de ses œuvres reproduites dans les deux livres que les Willot ont consacrés à cette amie de « Jules et Jim », de même qu’on peut les découvrir, matériellement parlant, au Musée Cécile Sabourdy à Vicq-sur Breuilh, où elles sont prêtées.
Au cours de l’après-midi que la Halle Saint-Pierre propose pour découvrir un peu mieux Existence, j’ai été chargé de présenter sur écran plusieurs reproductions de ses tableaux et dessins, en les choisissant en fonction de leur valeur esthétique, et en tentant de les mettre en regard avec d’autres peintures dites naïves, extraites de ma collection ou provenant de sources présentant des œuvres analogues en termes de traitement esthétique ou documentaire. Afin de lancer un signe à tous ceux qui n’ont pas abandonné l’idée de continuer de s’intéresser au corpus vaste et hétéroclite de l’art naïf, genre d’art autodidacte qui a été supplanté (injustement) par la vogue de l’art brut depuis quelques décennies.
L’art naïf insolite et de qualité (à distinguer de l’art naïf mièvre et gentillet) a toujours quelque chose à nous dire. L’œuvre d’Existence, placée à côté d’autres participants à cette catégorie d’art, ne souffre aucunement ‒ au contraire ‒ d’être associée à des artistes naïfs déjà repérés. »
Bruno Montpied
Peintre autodidacte et chercheur indépendant, collectionneur, auteur d’Éloge des Jardins anarchiques et du Gazouillis des éléphants, ouvrages consacrés aux créateurs populaires d’environnements en extérieur.